Les provisions en comptabilité

Publié le 8 min
Ecrit par Thibaut Clermont

Les provisions correspondent à des charges probables qu’une entreprise aura à supporter dans un avenir plus ou moins proche et pour un montant estimable mais non connu définitivement. Elles constituent un poste du bilan comptable (un passif, pour être plus précis), situé en dessous des capitaux propres.

Les règles exposées ci-dessous sur les provisions en comptabilité sont entrées en vigueur à compter du 1er janvier 2002.

Les provisions en comptabilité

1. Définition d’une provision comptable

Le terme « provision » est défini par le Plan Comptable Général (PCG). Il s’agit d’un passif dont l’échéance ou le montant ne sont pas fixés de façon précise.

Un passif peut être, quant à lui, défini comme un élément ayant une valeur économique négative pour l’entreprise (c’est-à-dire un élément qui va appauvrir l’entité). Il se traduit par une obligation à l’égard d’un tiers qui se matérialisera de manière certaine ou probable par une sortie de ressources, sans contrepartie attendue de ce tiers.

Cette notion doit être distinguée d’une dette ou encore d’une charge à payer :

  • une dette est un passif certain dont l’échéance et le montant sont fixés de façon précise,
  • une charge à payer est une dette certaine dont le montant ou l’échéance sont non précis.

Fiscalement, la définition d’une provision diffère légèrement (d’ailleurs, les sociétés peuvent annexer à leur déclaration de résultats une liste des charges à payer ayant fiscalement un caractère de provisions). De manière plus générale, les provisions doivent figurer sur l’imprimé n° 2033-D de la liasse fiscale (régime simplifié) ou n° 2056 (régime normal).

Il existe de nombreuses provisions (provisions pour risques, provisions pour impôts, autres provisions pour charges etc.). Elles seront évoquées en grande partie ci-dessous, à l’exception des provisions réglementées qui ont fait l’objet d’un article séparé.

Les provisions sont généralement recensées, évaluées et comptabilisées lors de l’établissement du bilan comptable, à l’occasion de la révision des comptes. Elles sont consignées dans un dossier de travail annuel.

2. Les différentes provisions en comptabilité (comptes de la classe 15)

Le Plan Comptable Général prévoit de nombreuses subdivisions des comptes 15 afin d’y enregistrer toutes les provisions pouvant exister :

  • compte 151. Provisions pour risques,
  • compte 153. Provisions pour pensions et obligations similaires,
  • compte 154. Provisions pour restructurations,
  • compte 155. Provisions pour impôt,
  • compte 156. Provisions pour renouvellement des immobilisations,
  • compte 157. Provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices,
  • compte 158. Autres provisions pour charges

Les provisions les plus couramment utilisées seront détaillées ci-après.

A. Les provisions pour risques

Cette subdivision concerne l’ensemble des provisions couvrant les risques inhérents à l’activité exercée par une entreprise. Il peut s’agir, par exemple, de :

1) La provision pour garanties données aux clients

Lorsqu’un commerçant vend un produit ou effectue une prestation de service, il peut (ou doit) appliquer une garantie. Cette dernière revêt un caractère légal ou contractuel.  L’existence d’un défaut dans un produit livré/une prestation effectuée avant la clôture de l’exercice est susceptible d’entraîner une sortie de ressources probables (coûts de la réparation/du remplacement) sans contrepartie attendue du tiers (puisque le prix de la garantie était déjà inclus dans le prix de vente du bien/de la prestation de service). Ce défaut probable peut donc justifier la constitution d’une provision. Cette dernière peut notamment être estimée par des statistiques (probabilité de défaillance du produit). Son montant est composé  des frais de réparation, des coûts d’enlèvement et de remise en état.

Remarque : la date d’appréciation de cette provision doit être fixée à la date d’arrêté des comptes (et non à la date de clôture). Lorsque la période de garantie prend fin entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes et qu’aucune défaillance n’a été constatée, aucune provision ne peut être comptabilisée à la clôture.

Fiscalement, ces provisions sont déductibles sous certaines conditions (posées par l’article 39-1 du CGI).

2) La provision pour perte de change

Lorsqu’une entreprise entretien des relations avec des partenaires étrangers (hors Zone Euro, tels que les Etats-Unis, la Chine, la Russie) et qu’elle ne bénéficie pas d’une couverture de change particulière, elle est soumise au risque de variation du taux de change. Le danger encouru correspond au risque qu’une créance client diminue ou qu’une dette fournisseur augmente. Autrement dit, l’entreprise doit comparer la valeur de sa facture d’achat/vente lors de son émission avec la valeur de cette même facture à la date de clôture des comptes (la devise étant différente de l’Euro, elle est soumise aux aléas du marché et aux fluctuations des cours de change).

Si, globalement, l’entreprise subit une perte de change latente (c’est-à-dire qu’elle va recevoir moins d’argent que prévu de la part de ses clients ou qu’elle va devoir décaisser plus d’argent que prévu pour payer ses fournisseurs), elle doit la provisionner en comptabilité (la contrepartie est le compte 6865).

Fiscalement, cette provision n’est pas déductible. En effet, la perte latente étant immédiatement déductible, la provision ne l’est pas.

3) La provision pour litige

Les litiges portés devant des tribunaux (qu’ils soient civils ou commerciaux) peuvent avoir des conséquences pécuniaires importantes pour une entreprise. Dans les cas où leur règlement n’est pas définitif (aucune instance n’a encore eu lieu, jugement de première instance susceptible d’appel), ils peuvent faire l’objet d’une provision. Le montant de celle-ci doit comprendre l’indemnité réparant le préjudice subi et les coûts accessoires du procès (honoraires d’avocats, frais de publicité de la condamnation, frais de procédure divers). Tout comme exposé pour les provisions pour garantie, la provision pour litige doit être appréciée à la date d’établissement des comptes annuels, et non à la date de clôture des comptes.

Fiscalement, cette provision est déductible.

B. Les provisions pour amendes et pénalités

Lorsqu’une entreprise commet une infraction à la législation (fiscale, sociale ou autre), elle encourt une amende voir des pénalités. Ces obligations peuvent être provisionnées à la clôture d’un exercice comptable. Le montant à provisionner correspond à l’estimation de l’amende ou de la pénalité, augmenté d’une éventuelle astreinte, des frais de procédure et frais de publicité de la décision.

Fiscalement, cette provision n’est déductible que si les amendes/pénalités ont été réclamées à la clôture de l’exercice ou qu’un contrôle soit en cours et que la réclamation soit probable. Dans les autres cas, elle ne l’est pas et doit être réintégrée sur l’imprimé n° 2058-A (parallèlement, la reprise de la provision doit être déduite extra-comptablement).

C. Les autres provisions pour charges

Ce sous compte est principalement utilisé pour les remises en état de sites (coûts de démantèlement d’un site, coûts de dépollution d’une usine, de désamiantage).

3. Les provisions dans le compte de résultat

En contrepartie de l’utilisation d’un compte de la classe 15, l’entreprise doit  manipuler le compte de résultat de la manière suivante : utiliser un compte de la classe 6 s’il s’agit de la constitution d’une provision (ou de l’augmentation probable d’un passif existant déjà à l’ouverture de l’exercice comptable) ou un compte de la classe 7 lorsque la provision devient sans objet (résolution du litige, condamnation de l’entreprise). Les dotations / reprises de provisions doivent être inscrites dans des comptes de charges / produits par nature :

  • en compte 681 ou 781 s’ils concernent l’exploitation,
  • en compte 686 ou 786 s’ils ont attrait à un aspect financier,
  • en compte 687 ou 787 s’ils se rapportent à un cas exceptionnel.

Conclusion : les provisions sont fréquemment utilisées dans la comptabilité des PME. Elles doivent être correctement évaluées et suivre un traitement comptable particulier. Lorsqu’un passif ne peut être évalué de façon fiable (ou qu’il est éventuel c’est-à-dire tributaire d’évènements futurs incertains qui ne sont pas entièrement sous le contrôle de l’entité), une information particulière doit être indiquée dans l’annexe.

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Ecrit par
Thibaut Clermont

Thibaut CLERMONT, mémorialiste en expertise-comptable et fondateur de Compta-Facile, site d'information sur la comptabilité.

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10 commentaires

  • Paul

    Merci pour cet article. La gestion du risque client est bien souvent sous estimée et pourtant elle est très importante pour l'entreprise

  • Gérad Houee

    Bonjour,
    Sommes-nous autorisé à comptabiliser des provisions lorsque notre résultat comptable est déficitaire ? Personnellement je pense que non, mais j'aurais besoin d'une confirmation. Merci d'avance.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Lorsque le risque encouru répond aux conditions des provisions en comptabilité (obligations existant à la clôture à l'égard d'un tiers, susceptible de provoquer une sortie de ressources sans contrepartie attendue de ce tiers), vous devez obligatoirement comptabiliser une provision, peu importe que le résultat de l'exercice soit déficitaire ou bénéficiaire. En revanche, le sort "fiscal" de la provision devra être apprécié au cas par cas (certaines provisions ne sont pas déductibles fiscalement, il conviendra alors de les réintégrer extra-comptablement). En espérant avoir répondu à votre question. Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Karine

    Bonsoir,
    La reprise sur provision se fait-elle lorsque le risque est avéré ou lorsqu'il disparait ? Je vous remercie.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Une provision doit être reprise et rapportée au compte de résultat lorsqu'elle est devenue sans objet, c'est-à-dire lorsque les raisons qui l'ont motivée ont cessé d'exister. Tel est le cas lorsque l'entreprise n'a plus d'obligations, lorsque le risque s'est avéré au cours de l'exercice comptable en question (réalisation du risque ou survenance de la charge provisionnée) ou lorsque le risque disparaît. En espérant avoir répondu à votre question. Bon weekend. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Hayazoumé Mathilde

    Bonjour. Lorsqu'on constitue une provision en fin d'année, est-il nécessaire de la reprendre en début d'exercice suivant ou cette provision doit-elle être simplement réajustée en fin d'année ? merci d'avance !

    Thibaut Clermont

    Bonjour. Les provisions doivent être ajustées à la clôture de l'exercice suivant (il ne faut pas les reprendre à l'ouverture de l'exercice N+1 pour les doter de nouveau en fin d'année N+1). Bien évidemment, la variation des provisions doit être étudiée en fonction de chaque risque (et donc de chaque provision) et non globalement. Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Adama

    Bonjour,
    Je suis très impressionné par les articles mais aussi par les réponses apportées aux questions.
    Merci beaucoup !

  • Thierry

    Bonjour,

    Peut-on faire une provision pour l'achat à venir d'un matériel ? Si oui, par quels comptes ?

    D'autre part, je souhaiter comptabiliser une provision pour risque car je n'ai qu'un seul client et ne voudrais pas me retrouver en difficultés si je le perdais pour une raison ou pour une autre. Est-ce possible ?

    Merci par avance.

    Thierry.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Il est impossible de provisionner l'acquisition future d'un matériel. S'agissant de la provision pour risque client, celle-ci ne peut être comptabiliser que si elle est justifiée, c'est-à-dire qu'il existe un risque de non recouvrement de la créance. Vous enregistreriez ainsi une écriture de dépréciation de créance client.
    Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

    Thierry

    Merci pour la réponse

  • Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Je vous invite à consulter l'article suivant qui répondra, sans aucun doute, à vos interrogations : comptabilisation des dépenses d'entretien et de réparation (et notamment le paragraphe 3.A.).
    Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Tellier Yannick

    Bonjour,
    En cours d'année j'ai dû verser au TGI la somme de 4080 € (provision estimée par le TGI). Nous avons porté devant les tribunaux un dossier client dans le but de réclamer les factures que ce client ne nous avait pas payées. Aujourd'hui ce client retourne la situation en prétextant des malfaçons. Le TGI a nommé un expert, d'où cette somme que nous avons dû verser.
    Comment dois je enregistrer l'écriture correspondant à ce versement ?
    Dans l'attente de vous lire
    Cordialement

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Tout dépend si l'opération présente une nature récurrente ou exceptionnelle. Si elle est exceptionnelle, vous pouvez comptabiliser le versement (à priori, votre question ne concerne pas la provision) dans le compte 6788 "Charges exceptionnelles diverses". Autrement, si elle est courante, il est possible de l'inclure dans le compte 658 "Charges diverses de gestion courante".
    Attention, si une provision avait été constituée, vous devez la reprendre et la rapporter au compte de résultat.
    Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Dugourgeot

    Bonjour, et merci pour tous les articles une vraie mine d'or !
    Ma question porte sur les autres provisions pour risque 151800/6815 il a été provisionné en N-1 172.000 €
    La survenance de la charge intervient sur N mais après négociation la charge sera de 90.000 €.
    La charge effective sera donc inférieure à la provision. Je m'interroge sur l'écriture de reprise (?)
    D'avance merci pour votre expertise.
    Bien cordialement.
    Denise.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Si je comprends bien : vous avez provisionné 172 000 euros en N-1 pour la survenance d'un risque. Ce risque est apparu en N et le montant définitif à votre charge s'élève à 90 000 euros. Est-ce bien cela ?
    Si le risque s'est soldé en N et que la charge correspondante a bien été enregistrée dans les comptes de l'exercice N, vous devez reprendre la totalité de la provision dotée en N-1. L'écriture sera : débit du compte 1518 par le crédit du compte 7815 pour 172 000 euros.
    Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Justin MELINGUI

    D: 1518 provisions - 172 000 € (Annulation de la provision après réalisation du risque en N)
    C: 512 Banque - 90 000 € (pour paiement de la charge liée au risque en N)
    C: 7815 Reprise - 82 000 € (pour annulation de la surprovision constatée en N-1

    Il me semble que cette opération serait plus juste, lorsque comptabilisée de cette façon

    Thibaut Clermont

    Cher Justin,
    Il ne faut pas "mélanger les écritures" qui proviennent de journaux différents.
    Les écritures de provisions sont générées à la clôture des comptes lors de la survenance d'une charge probable se rapportant à l'exercice dans un journal d'OD (Opérations diverses).
    Si le risque est alors dénoué il faut donc dans un premier temps passer une écriture d'extourne de la provision dans un journal d'OD pour la totalité.
    Ensuite le paiement de cette charge sera comptabilisé dans le journal de banque à la date réelle.

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