Comptabilisation des contrats à long terme selon la méthode à l’avancement

Publié le 10 min
Ecrit par Thibaut Clermont

Les contrats à long terme peuvent être gérés selon deux méthodes en comptabilité. Voici la présentation complète de l’une d’entre elles, appelée la méthode à l’avancement ainsi que la réponse concrète à la question : comment comptabiliser un contrat à long terme en utilisant la méthode à l’avancement ?

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Les contrats à long terme en quelques mots

Qu’est-ce qu’un contrat à long terme ?

Les contrats à long terme ne sont rencontrés, en pratique, que dans certains secteurs d’activité. Ils concernent, en général, la comptabilité du BTP (bâtiments et travaux publics), de l’informatique, de l’industrie aéronautique et spatiale. Ils correspondent à des contrats d’une durée longue (plus de deux exercices comptables) portant sur des projets complexes uniques et individualisables. Pour une présentation plus complète : définition et gestion des contrats à long terme.

Les contrats à long terme peuvent faire l’objet de deux traitements comptables différents : le premier selon la méthode à l’avancement (présenté ici) et le second selon la méthode à l’achèvement (présenté dans un article séparé et consultable ici : traitement comptable de la méthode à l’achèvement des contrats à long terme). Il faut souligner que la méthode à l’avancement ne représente plus, depuis le 9 octobre 2018, la méthode préférentielle. Il n’existe plus de méthode de référence entre l’achèvement et l’avancement depuis cette date.

Quelle que soit la méthode utilisée, l’entreprise doit déterminer la marge prévisionnelle qu’elle pense réaliser sur ses contrats, dès leur conclusion.

Comment calculer la marge prévisionnelle ?

Le calcul de la marge prévisionnelle s’effectue par contrat et non globalement.

Marge prévisionnelle = produits certains et rattachables directement – coût de revient

Le détail de chaque variable a été détaillé dans l’article figurant dans le premier paragraphe et abordant la définition des contrats à long terme.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter :

  • La marge prévisionnelle positive (supérieure à zéro)

L’entreprise réalise un bénéfice à terminaison. La méthode à l’avancement tient compte de ce bénéfice et l’intègre en partie dans les comptes en fonction du degré d’avancement effectif à la clôture de chaque exercice comptable.

  • La marge prévisionnelle est négative (inférieure à zéro)

Elle essuie une perte à terminaison. Celle-ci doit faire l’objet d’une provision immédiate dans les comptes, sous réserve d’y déduire la perte déjà comprise dans les comptes en fonction des coûts déjà supportés.

Traitement comptable des contrats à long terme avec la méthode à l’avancement

Conditions préalables pour utiliser la méthode à l’avancement

La méthode à l’avancement ne peut être utilisée que dans certains cas et surtout lorsque des conditions bien précises sont réunies. L’entreprise doit notamment :

  • Se trouver en mesure d’évaluer les biens et les travaux en cours à la clôture de l’exercice comptable (elle doit, de préférence, pratiquer un inventaire permanent) ;
  • Être capable d’établir des documents comptables prévisionnels (il lui est conseillé, à ce titre, de tenir une comptabilité analytique afin de rattacher correctement ses charges aux contrats concernés).

Trois cas s’y distinguent et ils seront présentés ci-dessous. Ils dépendent notamment de la capacité de l’entreprise à estimer de façon fiable ou non le résultat à terminaison de ses contrats (sa marge prévisionnelle). Cette condition est supposée remplie lorsque l’entreprise :

  • Peut identifier clairement le montant total des produits du contrat,
  • Peut identifier clairement le montant total des coûts imputables au contrat
  • Et qu’elle dispose d’outils de gestion permettant de calculer et d’ajuster le pourcentage d’avancement de chaque contrat.

Attention, le droit fiscal méconnaît la notion comptable de contrat à long terme. Il prévoit que les prestations de services doivent être rattachées à l’exercice au cours duquel intervient leur achèvement tout en concédant 3 exceptions à ce principe : les prestations continues, les prestations discontinues à échéances successives et les travaux d’entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle. Dans ces cas là, les prestations sont imposables au fur et à mesure de leur exécution.

Traitement comptable de la méthode à l’avancement pour les contrats bénéficiaires

Il s’agit ici du cas où la marge prévisionnelle peut être estimée de façon fiable et elle se traduit par un bénéfice. Voici les traitements comptables applicables dans cette hypothèse :

  • Tout au long de l’exercice comptable

Toutes les charges engagées dans l’exécution du contrat sont comptabilisées de façon normale. Le chiffre d’affaires peut faire (ou non) l’objet de facturations sous forme d’acomptes.

  • A la clôture de l’exercice comptable

Les charges qui se rapportent à l’exercice comptable suivant sont neutralisées par la constatation de stocks, de travaux en cours ou encore par la comptabilisation de charges constatées d’avance. Celles qui concernent l’exercice en cours ne sont pas neutralisées et sont laissées comme tel dans les comptes.

Un pourcentage d’avancement est alors calculé. Il peut être établi de deux façons différentes, la plus communément rencontrée en pratique est la suivante (l’autre calcul consiste à retenir des mesures physiques afin d’évaluer le volume des travaux ou services exécutés à la clôture de l’exercice) :

Degré d’avancement =  coût des travaux exécutés (coût de production des en-cours) / coût global estimé (coût de production total)

Un résultat à l’avancement est ensuite calculé :

Résultat à l’avancement = ( marge globale prévisionnelle du contrat * pourcentage d’avancement ) – résultats déjà constatés les années précédentes

Puis le chiffre d’affaires à l’avancement peut être reconstitué :

Chiffre d’affaires à l’avancement = charges réellement supportées pendant l’exercice + résultat à l’avancement

Enfin, les produits figurant en comptabilité doivent être ajustés (les acomptes déjà facturés, s’ils existence, doivent être pris en compte et déduit du montant de produits finalement constaté).

Traitement comptable de la méthode à l’avancement pour les contrats déficitaires

C’est l’autre hypothèse pour laquelle la marge prévisionnelle peut être estimée de façon fiable et elle se traduit par une perte. Dans ce cas, une provision doit être comptabilisée dès que la perte sur contrat est probable et connue. La perte (marge prévisionnelle déficitaire) doit être constatée immédiatement, étant précisé ici que, de par l’application de la méthode à l’avancement, elle a déjà été partiellement prise en compte.

Perte réalisée à la clôture de l’exercice = perte à terminaison prévisionnelle * pourcentage d’avancement

Le supplément de non perte non encore réalisée doit obligatoirement être comptabilisé en provision pour risques :

Perte à provisionner = perte globale prévisionnelle – perte déjà réalisée

Attention, fiscalement la provision pour risques représentant la perte prévisionnelle sur travaux restant à exécuter n’est pas déductible et entraîne des retraitements extra-comptables.

Traitement comptable à appliquer lorsque la marge prévisionnelle ne peut être estimée de façon fiable

C’est un cas très rare en comptabilité et qui ne peut être rencontré que dans certaines situations. Dans les comptes, aucun profit ne doit apparaître. Les produits dégagés à l’avancement sont limités aux coûts correspondants et ne peuvent aboutir à générer un bénéfice.

Exemples de traitements comptables de contrats à long terme avec la méthode à l’avancement

Deux exemples sont fournis par nos soins afin de présenter les traitements comptables applicables en cas d’utilisation de la méthode à l’avancement : le premier en cas de dégagement d’un bénéfice, l’autre en cas de dégagement d’une perte.

Application de la méthode à l’avancement avec une marge prévisionnelle positive

Présentation du cas

Une entreprise choisit d’appliquer la méthode à l’avancement pour gérer ses contrats à long terme. Voici les résultats de ses estimations (réactualisées par ses soins chaque année) :

Exercice Produits totaux prévus Charges totales prévues Marge prévisionnelle
N 10 000 7 500 2 500 (1)
N+1 11 000 9 000 2 000
N+2 11 000 9 000 2 000

(1) 10 000 – 7 500

Voici les coûts qu’elle a réellement rencontrés ainsi que la détermination du pourcentage d’avancement chaque année :

Exercice Charges cumulées à la clôture Charges totales prévues Degré d’avancement
N 3 000 7 500 40% (1)
N+1 7 200 9 000 80%
N+2 9 000 9 000 100%

(1) 3 000 / 7 500

Calcul du résultat à l’avancement

Enfin, voici le calcul du résultat à l’avancement à la clôture de chacun des 3 exercices comptables :

Exercice Charges engagées à la clôture Résultat à l’avancement Chiffre d’affaires à l’avancement
N 3 000 1 000 (2) 4 000 (5)
N+1 4 200 (1) 600 (3) 4 800
N+2 1 800 400 (4) 2 200
Total 9 000 2 000 11 000

(1) 7 200 – 3 000 | (2) 2 500 * 40% | (3) 2 000 * 80% – 1 000 | (4) 2 000 * 100% – 1 000 – 600 | (5) 3 000 + 1 000

Enregistrements comptables

A la clôture de chacun des exercices, l’entreprise devra veiller à ce que le chiffre d’affaires figurant en dernière colonne soit bien enregistré dans ses comptes. Elle devra comptabiliser une facture à établir (elle devra y déduire, le cas échéant, les facturations intermédiaires de chiffre d’affaires qu’elle aurait pu émettre à l’intention de son client). Voici l’écriture à comptabiliser au titre de l’année N :

  • Débit du compte 4181 « Clients – Facture à établir » pour 4 800 euros ( 4 000 * ( 1 + 20% ) ),
  • Crédit du compte 44587 « TVA à régulariser sur facture à établir » pour 800 euros ( 4 000 * 20% ),
  • Crédit du compte 701 « Ventes » pour 4 000 euros.

Le résultat sera ainsi naturellement constaté dans les comptes.

Si elle avait émis des factures d’acomptes en cours d’année, elle devra comparer le montant facturé au chiffre d’affaires à l’avancement. Si le CA facturé est supérieur au CA à l’avancement, elle devra comptabiliser un produit constaté d’avance pour l’excédent facturé (débit du compte 7 par le crédit du compte 487). Dans le cas contraire (CA facturé < CA à l’avancement), elle enregistrera une facture à établir pour le complément de chiffre d’affaires. Enfin, elle procédera à la comptabilisation de la facture définitive qui sera neutralisée partiellement par le jeu des extournes comptables des factures à établir ou produits constatés d’avance accumulés jusqu’alors.

Application de la méthode à l’avancement avec une marge prévisionnelle négative

Présentation du cas

Reprenons le cas ci-dessous en imaginant que l’entreprise réalise une perte sur le contrat. Voici les données actualisées :

Exercice Produits totaux prévus Charges totales prévues Marge prévisionnelle
N 10 000 12 500 – 2 500 (1)
N+1 11 000 14 500 – 3 500
N+2 11 000 14 500 – 3 500

(1) 10 000 – 12 500

Exercice Charges cumulées à la clôture Charges totales prévues Degré d’avancement
N 3 000 12 500 24% (1)
N+1 9 000 14 500 62%
N+2 14 500 14 500 100%

(1) 3 000 / 12 500

Calcul du résultat à l’avancement et des provisions

Exercice Charges engagées à la clôture Résultat à l’avancement Chiffre d’affaires à l’avancement Dotation (+) ou reprise (-) de la provision
N 3 000 – 600 (2) 2 400 (5)  + 1 900 (6)
N+1 6 000 (1) – 1 570 (3) 4 430  – 570 (7)
N+2 5 500 – 1 330 (4) 4 170  – 1 330 (8)
Total 14 500 – 3 500 11 000  0

(1) 9 000 – 3 000 | (2) 24% * ( – 2 500 ) | (3) 62% * ( – 3 500 ) – ( – 600 ) | (4) 100% * ( – 3 500 ) – ( 600 – 1 570 ) | (5) 3 000 – 600 | (6) 2 500 (marge prévisionnelle négative initiale) – 600 (perte déjà constatée dans les comptes) | (7) 1 000 (augmentation du risque initial) – 1 570 (pertes supportés dans les comptes) | (8) le résultat

Écritures comptables à enregistrer

L’écriture comptable de dotation de la provision sera la suivante :

  • Débit du compte 6815 « Dotations aux provisions pour risques et charges d’exploitation »,
  • Et crédit du compte 151 « Provisions pour risques ».

Et l’écriture de reprise :

  • Débit du compte 151 « Provisions pour risques »,
  • Et crédit du compte 7815 « Reprises sur provisions pour risques et charges d’exploitation ».

Conclusion : dans la méthode à l’avancement, les marges nettes dégagées sur les contrats à long terme se comptabilisent et s’intégrent dans les comptes au fur et à mesure de l’avancement des contrats. En cas de réalisation de pertes, la constitution de provisions s’impose.

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Merci pour votre vote.

Ecrit par
Thibaut Clermont

Thibaut CLERMONT, mémorialiste en expertise-comptable et fondateur de Compta-Facile, site d'information sur la comptabilité.

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3 commentaires

  • Dji

    Bonjour,

    Concernant l'exemple qui porte sur une marge prévisionnelle négative, je ne comprends pas pourquoi on provisionne 1900 de plus sachant qu'on perd finalement moins que prévu (-2500 contre -600). Ne devrait-il pas y avoir reprise ? Pouvez-vous m'éclairer à ce niveau s'il vous plait ?

    Cordialement.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Dans l'exemple, la marge à terminaison négative est estimé, à la fin de l'année 1, à -2500 euros. Or, une partie de cette perte (600 euros plus exactement) a déjà été constatée dans les comptes au cours de l'année en question, par le jeu des écritures comptables (débits des comptes de classe 6 et crédits des comptes de classe 7). La totalité de la perte restante doit être provisionnée, soit 2500 - 600 = 1900 euros. C'est donc bien une provision qui doit être dotée (et non reprise) pour 1900 euros.
    Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Sam

    Bonjour,
    Je comprends la méthode de comptabilisation à l'avancement avec des contrats de prestations de services mais lorsque la société réalisé un produit pour le compte d'une autre société, ne doit-elle pas constater un stock en date d'arrêté plutôt qu'une facture à établir ?
    Merci pour votre éclairage.

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Les règles présentées dans cet article ne s'appliquent qu'aux contrats à long terme. Elles ne sont prévues que pour certaines activités et ne concernent que certaines prestations en pratique. Lorsqu'il s'agit de vente de biens, les règles sont différentes selon l'état d'avancement de la commande (stocks d'en-cours, stocks de produits finis, etc.).
    Bonne journée. Cordialement, Thibaut CLERMONT.

  • Jean

    Merci de m'avoir aider à effacer la zone d'ombre qui existait dans mon esprit concernant les contrats à long terme .....

Répondre

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