Les amortissements dérogatoires : application obligatoire

Publié le 8 min Mis à jour le
Ecrit par Thibaut Clermont

Contrairement aux amortissements comptables, les amortissements dérogatoires sont comptabilisés en l’application de textes fiscaux. Toute entreprise est tenue d’avoir recours à la constatation d’amortissements dérogatoires lorsqu’elle est confrontée à une divergence entre les règles comptables et les règles fiscales (notamment en termes de base d’amortissement ou de durée d’amortissement). Cet article de compta-facile aborde les cas de recours obligatoires (c’est-à-dire imposés par la loi) aux amortissements dérogatoires, les modalités liées à leur calcul et la comptabilisation de ces amortissements. Un autre article traite des amortissements dérogatoires facultatifs.

Les amortissements dérogatoires obligatoires

Comptabilisation obligatoire des amortissements dérogatoires lorsque l’immobilisation a une valeur résiduelle

Lorsque l’entreprise a l’intention de revendre le bien après l’avoir utilisé, il possède une « valeur résiduelle » qui est assimilée à la valeur de revente du bien après « X » années de détention. Cette notion est source de divergence entre la comptabilité et la fiscalité.

En comptabilité, la valeur résiduelle doit être retranchée de la valeur brute du bien (dans la mesure où elle est mesurable et significative). Elle vient en diminution de la base amortissable de l’immobilisation. C’est sur ce montant que va être calculé l’amortissement comptable. En revanche, fiscalement, la base amortissable est constituée par le coût de revient de l’immobilisation, sans déduire la valeur résiduelle. Il est donc nécessaire de comptabiliser un amortissement dérogatoire pour la fraction de la base amortissable non amortie (c’est-à-dire pour la valeur résiduelle du bien).

Exemple : une entreprise achète le 1er avril N un véhicule utilitaire pour 15 000 euros hors taxes (pour les besoins de son activité). Elle souhaite l’utiliser 4 ans et le revendre. Compte tenu de l’utilisation du véhicule, elle estime pouvoir revendre ce bien 5 000 euros hors taxes, à l’issue des 4 années. Elle clôture ses comptes le 31 décembre de chaque année.

La base amortissable du bien en comptabilité est donc de 10 000 euros (15 000 – 5 000). L’entreprise va donc enregistrer un amortissement comptable de 1 875 euros la première année (soit 10 000 x ( 1 / 4 ) x ( 9 / 12 ) ), puis des amortissements de 2 500 euros pendant 3 ans et enfin un amortissement de 625 euros. Fiscalement, elle aurait dû comptabiliser un amortissement de 2 812 euros (en N) puis de 3 750 euros (pendant les 3 années suivantes) et enfin de 938 euros. Elle devra donc comptabiliser un amortissement dérogatoire de 937 euros la première année, puis de 1.250 euros pendant 3 ans et enfin de 312 euros.

Le total des amortissements dérogatoires (5 000 euros) devra être « repris » lorsque le matériel sera vendu.

Comptabilisation obligatoire des amortissements dérogatoires lorsque la durée d’usage fiscale est plus courte que la durée d’utilisation estimée par l’entreprise

Les entreprises ne répondant pas aux conditions de la « PME » au sens fiscal (autrement dit, les sociétés dépassant deux des trois seuils suivants : total bilan ≤ 4 000 000 €, chiffre d’affaires hors taxes ≤ 8 000 000 € et Salariés ≤ 50) doivent déterminer, pour chaque immobilisation amortissable, leur durée réelle d’utilisation, compte tenu de l’obsolescence du bien et des caractéristiques propres à l’entreprise (degré d’usure, conditions d’utilisation, politique de renouvellement des immobilisations de l’entreprise etc.).

Celle-ci doit être comparée à la durée d’usage appliquée par la profession (c’est cette dernière qui est admise fiscalement). Lorsque la durée d’usage fiscale est plus courte que la durée d’utilisation estimée, l’entreprise va comptabiliser des amortissements dérogatoires.

Sont également dans l’obligation de comptabiliser des amortissements dérogatoires les entreprises qui répondent à la définition de la PME mais qui utilisent des immobilisations ayant un caractère décomposable (structure/composant).

Voici, à titre indicatif, la liste des durées les plus couramment admises par l’administration fiscale (les taux retenus peuvent varier suivant la nature de l’activité exacte) :

  • Bâtiments commerciaux : entre 20 et 50 ans
  • Bâtiments industriels : 20 ans
  • Matériel : entre 6 et 10 ans
  • Outillage : entre 5 et 10 ans
  • Matériel de transport : 4 ou 5 ans
  • Mobilier : 10 ans
  • Matériel de bureau : entre 5 et 10 ans
  • Agencements et installations : entre 10 et 20 ans
  • Micro-ordinateurs : 3 ans
  • Brevets : 5 ans

Remarque : en général, l’administration fiscale ne remet pas en cause les durées d’amortissement retenues par les entreprises (sous réserve qu’elles puissent justifier de circonstances particulières) lorsqu’elles ne s’écartent pas de plus de 20 % des usages professionnels.

Exemple : une grande entreprise achète le 1er janvier N un ordinateur d’une valeur de 2 000 euros qu’elle espère utiliser pendant 10 ans. Elle souhaite amortir le bien selon le mode linéaire (elle clôture son exercice au 31 décembre de chaque année). Fiscalement, la durée couramment admise pour l’amortissement du matériel informatique est de 3 ans. L’entreprise va constater un amortissement économique de 200 euros chaque année pendant 10 ans.

Cependant, en matière fiscale, elle devrait l’amortir sur 3 ans (soit un amortissement de 667 euros par an). Durant les 3 premières années, elle va donc comptabiliser un amortissement dérogatoire de 467 euros par ans. Ensuite, elle va « reprendre » la dotation aux amortissements dérogatoires pendant 7 ans à hauteur de 200 euros par année (1 400 / 7 ). Cela va permettre, au niveau du compte de résultat, de « neutraliser » l’impact de l’amortissement économique durant toute la durée d’amortissement de l’immobilisation.

Les amortissements dérogatoires peuvent s’appliquer de manière obligatoire ou de manière facultative.

Comptabilisation des amortissements dérogatoires obligatoires

Lorsque les entreprises constatent des amortissements dérogatoires, elles doivent suivre le schéma d’écritures comptables suivant :

  • On débite le compte 68725 « Dotations aux amortissements dérogatoires »,
  • Et on crédite le compte 145 « Provisions réglementées – amortissements dérogatoires ».

Voici les écritures à comptabiliser lorsque le bien ayant bénéficié d’amortissement dérogatoire est cédé (ou lorsque l’annuité dégressive devient inférieure au rapport entre la valeur résiduelle par le nombre d’années restant à courir – cas de l’amortissement dégressif comme nous l’avons expliqué dans notre article cité ci-dessus) :

  • On débite le compte 145 « Provisions réglementées – amortissements dérogatoires »,
  • Et on crédite le compte 78725 « Reprises sur provisions réglementées – amortissements dérogatoires ».

Les amortissements dérogatoires ont également un impact en termes d’informations dans l’annexe.

Informations concernant les amortissements dérogatoires dans le bilan et l’annexe

Les amortissements dérogatoires figurent au passif du bilan comptable dans la catégorie « provisions réglementées ». Ils constituent la dernière composante des capitaux propres.

Dans l’annexe comptable, l’entreprise doit fournir, pour chaque catégorie d’immobilisation, les méthodes de calcul des amortissements (linéaire, dégressif, selon les unités d’œuvre) ainsi que les taux d’amortissements utilisés. De plus, un tableau de rapprochement entre les valeurs comptables à l’ouverture et à la clôture de l’exercice des amortissements doit être inséré dans l’annexe (il doit mentionner les amortissements comptabilisés pendant l’exercice ainsi que ceux qui ont été repris dans cette même période).

A lire également sur le thème de l’amortissement :

Conclusion : les amortissements dérogatoires doivent leur existence à des dispositions fiscales en contradiction avec les principes de la comptabilité. Souvent mal utilisés en pratique, ils sont cependant très courants dans les entreprises.

De nombreux logiciels de gestion des immobilisations permettent de gérer ces amortissements dérogatoires (qui supposent un suivi plutôt contraignant). A savoir, dans certains cas, l’amortissement comptable peut être supérieur à l’amortissement fiscalement déductible (tel est le cas, par exemple, lorsque la durée d’utilisation réelle est plus courte que la durée d’usage fiscale ou lorsque la base d’amortissement comptable est différente de celle admise fiscalement, comme les véhicules particuliers).

Il convient, dans ce dernier cas, à l’inverse des amortissements dérogatoires, de procéder à une réintégration extra-comptable dans le calcul du résultat fiscal de l’entreprise puis de régulariser ces amortissements réintégrés ultérieurement.

 

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Ecrit par
Thibaut Clermont

Thibaut CLERMONT, mémorialiste en expertise-comptable et fondateur de Compta-Facile, site d'information sur la comptabilité.

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1 commentaire

  • Morbani

    bonsoir! j'aimerais savoir le traitement fiscal de reprise sur provision aux amortissement derogatoires dans le calcul du resultat fiscal, elles sont des produits imposables ou non
    merci

    Thibaut Clermont

    Bonjour,
    Dans la mesure où les amortissements dérogatoires constituent des compléments d'amortissements tolérés en l'application de textes fiscaux :
    - les dotations aux amortissements dérogatoires sont déductibles
    - les reprises sur amortissements dérogatoires sont imposables
    En conséquence, aucun retraitement particulier ne doit être effectué sur le tableau de détermination du résultat fiscal sur la liasse.
    Les amortissements dérogatoires doivent leur existence à la législation fiscale. Ils ne revêtent pas un caractère économique ou comptable puisqu'ils sont la résultante, en général, d'options fiscales à la disposition des entreprises.
    Sur quel type de bien avez-vous pratiqué un amortissement dérogatoire et une reprise sur amortissement dérogatoire ?
    Bonne journée.
    Cordialement,
    Thibaut CLERMONT.

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