Œuvres d’art et instruments de musique : traitement comptable et fiscal

Publié le 9 min
Ecrit par Lison Jacquet

De plus en plus d’entreprises investissent dans l’art, que ce soit pour le plaisir du beau ou pour encourager un artiste. Elles ont bien raison, aussi bien d’un point de vue artistique que d’un point de vue fiscal. Mais comme pour tout achat particulier, une comptabilisation lui est propre. Compta Facile traite l’enregistrement comptable de votre œuvre d’art ou instrument de musique et vous rappelle les conditions à respecter pour bénéficier de la déduction fiscale associée.

Œuvres d'art et instruments de musique : comptabilisation et traitement fiscal

Œuvres d’art et instruments de musique, quels sont les définitions ?

Œuvres originales d’artistes vivants

Les œuvres concernées sont celles qui sont définies à l’article 98 A de l’annexe III du CGI. Il s’agit :

– des tableaux, peintures, dessins, aquarelles, gouaches, pastels, monotypes, entièrement exécutés de la main de l’artiste ;

– des gravures, estampes et lithographies, tirées en nombre limité directement de planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la matière employée ; (les œuvres exécutées par des moyens mécaniques ou photomécaniques ne constituent pas des œuvres originales)

– des productions en toutes matières de l’art statuaire ou de la sculpture et assemblages, dès lors que ces productions et assemblages sont exécutés entièrement de la main de l’artiste, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie ;

– des fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants-droit ;

– des tapisseries tissées entièrement à la main, sur métier de haute ou de basse lisse, ou exécutées à l’aiguille, d’après maquettes ou cartons d’artistes, et dont le tirage, limité à huit exemplaires, est contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ;

– des exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés de la main de l’artiste et signés par lui ;

– des émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie.

L’artiste doit être vivant au moment de l’achat de l’œuvre. Vous devez vous assurer et, le cas échéant, pouvoir justifier de l’existence de l’artiste à la date d’acquisition de l’œuvre.

Extension aux instruments de musique

Le dispositif fiscal a été étendu aux entreprises qui font l’acquisition d’instruments de musique qu’ils mettent à disposition gratuitement aux artistes-interprètes qui en font la demande.

Sont considérés comme artiste interprète les personnes qui suivent une formation musicale dans un établissement ou une école visée ci-après ou qui ont une qualification musicale d’un diplôme correspondant à un cycle 3 de conservatoire national de région ou d’école nationale de musique ou d’un équivalent européen. Les étudiants et anciens étudiants des conservatoires nationaux supérieurs de musique de Paris et de Lyon sont réputés remplir ces conditions de niveau ; les personnes qui exercent, à titre professionnel, une activité d’artiste-interprète.

La valeur de ces investissements doit être significative.

Dans cet article, nous ne traitons pas du cas des entreprises qui achètent des œuvres ou des instruments pour les revendre (négociants, galeries d’art…).

La comptabilisation d’une œuvre d’art ou d’un instrument de musique

Comptablement, une œuvre d’art ou un instrument de musique est considérée comme une immobilisation corporelle qui a vocation à rester dans l’entreprise.

Le compte comptable à utiliser est un sous-compte à créer du « 218 – autres immobilisations corporelles ».

Le montant de l’œuvre ou de l’instrument s’évalue hors taxe (HT) en prenant en compte tous les frais accessoires et la TVA non récupérable s’il y en a. Si vous avez versé des commissions pour l’acquisition, celles-ci sont exclues de la base.

Une œuvre d’art ou un instrument de musique ne peut pas être amorti puisque son « utilisation » ne génère pas d’usure ou d’obsolescence. A l’inverse, une œuvre ou un instrument prend souvent de la valeur avec le temps.

Puisque vous ne pouvez pas constater d’amortissement, cette dépense ne vient jamais grever votre résultat fiscal.

Alors pour inciter les entreprises à continuer leur rôle de mécène auprès des artistes, l’Etat autorise, sous certaines conditions, une déduction fiscale !

Qu’en est-il du traitement fiscal d’une œuvre d’art et d’un instrument de musique ?

La loi propose une déduction fiscale, pour le montant investi dans l’œuvre ou l’instrument, étalée sur 5 années, celle de l’acquisition et les 4 années suivantes, sans prorata temporis. Chaque année, 1/5 du coût d’achat sera déduit fiscalement, c’est-à-dire extra-comptablement, sans incidence sur la comptabilité.

Les entreprises concernées

Ce sont toutes les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ainsi que les entreprises relevant du régime des sociétés de personnes.

Cependant, les entreprises n’ayant pas l’obligation de fournir un bilan sont exclues de ce dispositif. Puisque l’obligation de doter une réserve spéciale (voir ci-après) nécessite l’existence d’un bilan.

Les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) sont donc exclues de ce dispositif.

Limite de déduction

La déduction fiscale est une mesure fiscale en faveur du mécénat. Néanmoins, les déductions possibles sont limitées par la loi.

1ère limite annuelle : 5 ‰ (pour mille) du chiffre d’affaires (CA) annuel. Par exemple, pour un CA de 1,5 M€, la limite de déduction est de 7 500 € (1 500 000 x (0,005 ou 5 ‰)).

2ème limite (entrée en vigueur au 1er janvier 2020) : 10 000 € maximum de déduction.

Vous retenez la limite de déduction la plus élevée pour vous. Si vous réalisez un CA de 2,5 M€, vous calculez la limite de 5 ‰ soit 12 500 €. 12 500 € étant plus élevé que 10 000 €, vous retenez la limite de 5 ‰. Cette appréciation se fait annuellement.

Si vous atteignez la limite de déduction, la partie excédentaire est perdue.

Exemple :

En 2020, vous réalisez un CA de 1 M€. Vous avez effectué des dons pour 4 000 € et acheté une œuvre d’art pour 35 000 €.

1ère limite = 1 000 000 x 5 ‰ = 5 000 €

2ème limite = 10 000 € (entrée en vigueur en 2020)

Vous retenez la limite de déduction de 10 000 €.

Vous déduisez les 4 000 € de dons versés à la limite de 10 000 €, il vous reste 6 000 € (10 000 – 4 000) de déduction possible.

En 2020, l’achat de l’œuvre d’art déclenche une déduction de 7 000 € (35 000 / 5).

Or, vous ne pouvez pas déduire plus que 6 000 €, la déduction des 1 000 € restants (7 000 – 1 000) est impossible, ils sont perdus.

Pour les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés comme de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, les sommes en cause sont déduites du résultat de l’exercice :

  • sur le tableau n° 2058-A-SD (CERFA n° 10951), ligne XG lorsque l’entreprise relève du régime du réel normal ;
  • sur le tableau n° 2033-B-SD (CERFA n° 15948) lorsqu’elle est placée sous le régime simplifié d’imposition

Les conditions

Pour prétendre à cette déduction fiscale exceptionnelle, votre entreprise doit respecter plusieurs critères plus ou moins contraignants.

Pour l’œuvre d’art :

  • 1er critère : au moment de l’achat, l’œuvre achetée doit être la production d’un artiste vivant. (voir le paragraphe sur les œuvres d’artistes vivants)
  • 2ème critère : exposition au public

L’œuvre doit se trouver dans un lieu accessible de tous. Par exemple, une pièce ouverte au public dans vos locaux d’entreprise, un musée dans lequel elle serait mise en dépôt ou les locaux d’une collectivité locale.

Votre bureau, ceux de vos salariés ou bien encore la salle de détente ne sont pas considérés comme un espace accessible au public.

  • 3ème critère : information au public

L’entreprise a pour obligation de communiquer auprès du public sur l’existence et l’exposition de l’œuvre d’art. Les moyens de communication engagés doivent être cohérents avec l’importance de l’œuvre.

  • 4ème critère : une durée d’exposition de 5 ans minimum. (la durée de l’avantage fiscal)

Pour l’instrument de musique :

  • 1er critère : votre entreprise doit s’engager à prêter l’instrument de musique à tous les artistes-interprètes qui en font la demande.
  • 2ème critère : information aux artistes-interprètes

Votre entreprise a pour obligation de communiquer auprès des potentiels intéressés de la possibilité d’emprunter l’instrument.

Critère commun à l’œuvre d’art et à l’instrument de musique

  • L’œuvre et l’instrument doivent être saisis en immobilisation.
  • Il faut doter une réserve spéciale :

Lors de l’écriture de l’affectation de résultat, vous devez doter une réserve spéciale pour le montant de la déduction fiscale opérée.

Si votre résultat est déficitaire, vous pouvez doter le compte de réserve spéciale en débitant le compte « 119 – report à nouveau débiteur ».

La réserve spéciale ne doit pas être utilisée durant la période de déduction fiscale qui dure 5 ans, faute de quoi, vous perdriez votre droit à déduction.

Exemple 1 :

En N-1, résultat bénéficiaire = 25 000 € et déduction fiscale pour l’achat d’une œuvre = 2 000 €

Ecriture d’affectation de résultat le 18 mai N :

Compte Libellé Débit Crédit
120 – résultat (bénéfice) Affectation de résultat N-1 25 000 €
110 – report à nouveau créditeur Affectation de résultat N-1 23 000 €
1068 – réserve spéciale Affectation de résultat N-1 2 000 €

Exemple 2 :

En N-1, résultat déficitaire = 20 000 € et déduction fiscale pour l’achat d’une œuvre = 2 000 €

Ecriture d’affectation de résultat le 18 mai N :

Compte Libellé Débit Crédit
119 – report à nouveau débiteur Affectation de résultat N-1 22 000 €
120 – résultat (perte) Affectation de résultat N-1 20 000 €
1068 – réserve spéciale Affectation de résultat N-1 2 000 €

Conclusion : Une œuvre d’art et un instrument de musique représentent une immobilisation pour votre entreprise. L’Etat a mis en place une déduction fiscale soumise à conditions pour inciter le mécénat et le sponsoring. Soyez vigilant aux modalités à remplir avant d’investir, pour vous assurer que vous avez les moyens de réunir l’ensemble de ces conditions, faute de quoi votre investissement serait fiscalement nul.

Donnez-lui une note !

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Ecrit par
Lison Jacquet

Lison Jacquet, collaboratrice comptable en cabinet d'expertise-comptable depuis 5 ans et rédactrice de Compta-Facile, site d'information sur la comptabilité.

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